Aspoma

HISTORIQUE

L’une des plus grandes aventures commerciales dont demeurent des traces incontestables du rôle qu’y ont joué les marins francs-maçons, est celle des diverses Compagnies des Indes. Le brassage des nationalités, les échanges culturels, les rencontres dans les ports, ont grandement facilité le développement des loges créées, ou simplement fréquentées, par des capitaines et marins des Compagnies.

En 1756, sept Frères employés de la Compagnie suédoise des Indes Orientales, membres de la Loge « Salomon à Trois Serrures » de Göteborg, obtinrent une patente pour « se réunir en route, aux Indes Orientales, où qu’ils touchent terre ». Ils nommèrent leur Loge « Prince Carl’s Lodge », du nom de leur navire. En route ils tinrent deux Tenues et initièrent deux marins suédois, selon le Rite Scandinave en dix degrés. Cette Loge fut ensuite installée à Canton où elle fut active jusqu’en 1760.

Pendant la Guerre de Sept Ans (1756-1763) le Vaisseau Vanguard est revenu au Québec en mai 1760, avec à son bord Thomas Dunckerley (1724-1795), initié en 1754 dans la loge« Three Tuns » de Portsmouth. Il emportait avec lui la patente n°254 datée du 16 janvier 1760 permettant de créer une loge navale. Ce fut la première loge maritime jamais créée. Il apportait au Canada une autorisation de la Grande Loge d’Angleterre pour régulariser les affaires maçonniques au Québec, nouvellement anglais. La deuxième loge maritime, n°279 fut créée à bord du Prince et la troisième à bord du Canceaux, sous une Patente de la Grande Loge Provinciale du Québec, en 1768, sous le n°5.

Rendu à la vie civile, Dunckerley installa à Portsmouth vers 1790 une loge nommée « Grand Royal Ark Vessel », travaillant selon le rite noachite, c’est-à-dire fondé sur le mythe de Noé et du Déluge, dont les Officiers portaient les titres de « Master », « Captain », « Lieutenant »,« Purser », « Gunner », « Boatswain », comme à bord des vaisseaux. Il présida le rite  pendant quatre ans et décéda peu après.

Des « Sea Lodges » ou « Sea Captain’s Lodges » se développèrent, plus ou moins régulières, et eurent des durées de vie généralement assez éphémères, leur fréquentation étant rendue aléatoire par les impératifs de la navigation et des guerres.

Le lieutenant de vaisseau français Périer de Salvert, qui faisait partie de l’escadre de Suffren aux Indes pendant la guerre d’Amérique, fonda la loge « La Triple Espérance » à l’Île de France, qui ne s’appelait pas encore l’île Maurice.

En Afrique du Sud, Abraham van der Weijde, capitaine de la Compagnie Néerlandaise des Indes, créa en 1772 la première loge sous constitution du Grand Orient des Pays-Bas .

Plusieurs initiations eurent lieu à bord de navires. Ainsi, en 1802, le Frère Anthony Kemp reçut-il la Lumière à Sydney, à bord du « Naturaliste » de l’expédition Baudin, des mains du lieutenant de vaisseau Jacques de Saint-Cricq et du chirurgien naval nantais Jérôme Bellefin. Leur histoire a été racontée dans le volume II de nos Travaux d’ASPOMA.

Aux 19ème  et 20ème  siècles les « Naval Lodges » se multiplièrent en Grande-Bretagne et aux États-Unis, certaines n’ayant d’ailleurs plus de naval que le nom.

 

Mais toutes sont encore fières de cette appellation qui a toujours ses sources dans les milieux de la mer ou des professions connexes telle que la construction navale par exemple. C’est le cas de la Naval Lodge n° 4 de Washington, dont les fondateurs et leurs successeurs travaillaient dans les chantiers navals locaux. Cette loge est toujours très active aujourd’hui bien que n’ayant plus aucun rapport avec la marine.

En 1975 à Londres, fut créée une loge nommée « Descensus Aquarium Lodge n°8655 », réservée aux professions maritimes. On trouve aussi de nos jours la « Royal Naval Lodge n° 2761 » à Yeovil dans le Somerset. Les Actes des « Quatuor Coronati » font état de nombreuses autres loges maritimes, embarquées ou à terre, tant en Grande-Bretagne que dans ses colonies.

En 1979, sur un quai d’Anvers, se rencontrent un commandant de paquebot-transbordeur  de la ligne Ostende/Douvres et le directeur du pilotage du grand port. Ils se reconnaissent comme francs-maçons et décident de créer une association fraternelle de maçons marins. Le 14 juin 1980, cette association prend le nom de « The Link, » le lien ou plutôt la maille d’une chaîne d’ancre. Un an plus tard « le Link » comprend quarante membres.

En 1992 est ébauché le rituel de Maître Marin de Noé, premier capitaine connu de l’histoire des hommes. Le but était de reconstituer un rituel tel que le pratiquaient au 18ème siècle les francs-maçons marins, tant à bord que dans les ports.

Nos frères belges affirment avoir trouvé leurs sources dans les « Early French Exposures » de Harry Carr, « The Early Masonic Catechisms » de Knoop et Jones et divers rituels anglo-saxons et nordiques. Nous avons retrouvé la trace d’un Francis Barralier, émigré français en Australie, qui servait à bord du HMS Lady Nelson de la Royal Navy en 1800 en qualité de cartographe et d’hydrographe. Il prit part à plusieurs explorations, passa dans l’armée de terre et participa à la prise de la Martinique en 1809, avant de se fixer à Londres où il décéda le 11 juin 1853.

En 1839, la loge toulonnaise « La Réunion » avait pour Vénérable Maître un lieutenant de vaisseau, Auguste Cornillon, qui reçut un jour une lettre d’un certain Barralier, ainsi rédigée : « le rituel de marin m’a fortement impressionné » et, plus loin, « le rituel de Noé est décidemment bien beau ! » Peut-être visita-t-il la loge toulonnaise en 1839 ? Il est donc avéré qu’il existait un rituel marin à Toulon sous la Monarchie de Juillet.

Sans entrer dans des querelles d’historiens sur son origine, force est de constater que notre Rituel est très beau. Il est riche de cette symbolique maritime qui enchante ses membres et les visiteurs et permet l’égrégore. Il peut ainsi être tout naturellement vécu avec sérieux et conviction. En particulier, l’intervention du Père Noé pendant la Chaîne d’Union au cours du Rituel de Table, est d’une rare profondeur et d’une rare beauté.

Quoi qu’il en soit, l’idée a rapidement germé de créer en France une loge maritime. Ce fut chose faite le 25 septembre 2004. Une association loi de 1901 fut créée à Nantes, à bord de l’ancien Escorteur d’Escadre Maillé Brézé. Fin 2004, la loge comptait déjà trente-deux membres, tous marins ou anciens marins.

ASPOMA, « Association Ponantaise d’Histoire Maritime » est, au plan profane, une association loi de 1901.

Chacun de ses membres est tout d’abord membre de l’Association, puis se choisit un « carré», ou loge, de rattachement privilégié, pour des raisons de commodités géographiques ou d’affinités. Il est de plus, et de droit, membre de tous les autres carrés.

 

 

ASPOMA se répartit en carrés/loges maritimes qui sont les seules loges de recherche spécialisées dans l’histoire maçonnico-maritime, et qui se consacrent exclusivement au rôle essentiel que les francs-maçons ont joué dans l’Histoire, et dans l’Histoire maritime en particulier.

Dès lors la spécificité d’ASPOMA est évidente. En effet il existe de par le monde plus de cent cinquante loges de recherche, dont l’immense majorité dans les pays anglo-saxons, qui se consacrent à la philosophie de la franc-maçonnerie, à ses rituels, ses pratiques, son enseignement, son symbolisme, mais plus rarement à son histoire. Le succès rencontré par l’initiative amena rapidement à créer d’autres carrés/loges.

 

ASPOMA se répartit donc aujourd’hui en cinq « carrés/loges », « La Pérouse n°1 », loge bretonne, « Contre-amiral Vence n°2 », loge du midi, « Capitaine le Tellier n°3 », loge de la Manche/Mer du Nord, « Latouche-Tréville n°4 », de Bordeaux à la frontière espagnole, « Contre-amiral Lavaud n°5 », Pacifique. Nous travaillons en suivant un très beau rituel inspiré de celui de Thomas Dunckerley, 1790, « inventeur » de la maçonnerie maritime.

Chaque « Carré » se réunit rituellement deux fois par an, au plus près des équinoxes et, à chaque « Voyage » puisque c’est ainsi que sont nommées les Tenues, il est proposé une communication originale d’histoire maçonnico-maritime qui est ensuite publiée dans notre « Volume annuel ».

 

ASPOMA a fêté son dixième anniversaire en 2014 et compte environ trois cents membres appartenant à vingt-deux Obédiences et neuf pays. Des côtes de la Métropole et d’Outremer, avec des membres en Italie, au Luxembourg, en Belgique, en Allemagne, au Canada, aux États-Unis et au Sri Lanka, les Carrés d’ASPOMA sont aussi la vibrante image de l’universalisme maçonnique.

 

ASPOMA accueille des FF.: et des SS.: Maîtres Maçons de toutes obédiences, soit en qualité de « Maître Marin de Noé » s’il s’agit de marins professionnels, de la Marine Nationale, de la Gendarmerie, des Douanes, de la Marine Marchande, de la Pêche, soit en qualité de « Passager de l’Arche » pour ceux qui ont exercé une profession para-maritime, courtiers, stevedore, agents des ports, personnels des compagnies de navigation, et pour les plaisanciers, les historiens et, d’une manière non dogmatique, pour tous ceux qui s’intéressent sérieusement au domaine maritime.

Le Volume de la Loi Sacrée est la Genèse, « parole de Dieu » pour ceux qui y croient, et « meilleur descriptif de notre mythe fondateur » pour tout le monde. Chacun y trouve son compte…

 

Très important : ASPOMA n’est pas une obédience et ne le sera jamais. Il n’y est pas procédé à des initiations ou attribution de degré. Il est exigé des membres qu’ils soient en règle avec leur obédience symbolique.

En résumé, la nature d’ASPOMA est celle d’un regroupement de Marins et Gens de Mer qui souhaitent partager leurs expériences philosophiques, sociales et humaines et progresser dans la recherche historique maritime et maçonnique.

 

Le travail rituel exige que n’y participent que des Maçons du grade de Maître, bien que la notion de grade n’existe pas à ASPOMA. Les dénominations d’ASPOMA appartiennent exclusivement au rite de Thomas Dunckerley, proche du rite dit « noachite », c’est-à-dire fondé non pas sur le mythe d’Hiram, constructeur du temple de Salomon vers le 9ème siècle avant notre ère, mais sur celui de Noé et du Déluge qui lui est bien antérieur.

 

Au 18ème siècle nombre de loges travaillaient selon un rite noachite. Lorsque, en 1782, le lieutenant de vaisseau, et futur amiral, Bruix, orateur de la Loge « Les Élus de Sully » à l’Orient de Brest, prononçait le discours d’accueil de nouveaux initiés, il se référait exclusivement à la tradition noachite, à la construction et au voyage de l’Arche.

 

Il ne s’agissait pas là d’une tradition spécifique à une loge qui compta quantité d’officiers de marine tout au long du 18ème siècle, mais bien de la présentation aux nouveaux arrivants du mythe fondateur d’une grande partie de la Franc-Maconnerie de cette époque

 

Le Rituel, puissamment symbolique et imprégné de la culture des marins, est pratiqué avec tout le hiératisme souhaitable. Les nombreux Frères et Sœurs visiteurs gardent un excellent souvenir de leur passage sur les bordées, c’est ainsi que sont nommées les Colonnes, ou à la Passerelle, dénomination de l’Orient, chacun participant à l’égrégore, toutes Obédiences confondues.

 

Bien sûr les carrés-loges de recherche, subdivisions géographiques d’ASPOMA, sont autonomes de par le nombre d’Obédiences qui y sont représentées. Ils n’ont donc ni patente ni charte constitutionnelle et ne sauraient de ce fait être « reconnus » au sens maçonnique du terme, ce n’est pas leur vocation.

Sans être « reconnue », et sans chercher à l’être du fait de sa nature de simple « Regroupement de Marins et de Gens de Mer », ASPOMA est néanmoins très honorablement connue des diverses Obédiences françaises et européennes par son caractère maritime, son égrégore exceptionnel, le sérieux de ses Travaux, la fraternité et la solidarité de ses membres « unis comme à bord ».

Les excellentes relations entretenues avec les instances maçonniques de tous pays, dans le domaine de la recherche historique maritime, en sont la preuve.